De la compétence

Un jour, en rentrant chez moi, je trouve ma fille Olivia, entourée de ses cahiers, livres, tablette, en détresse devant ses cours. Elle  a 16 ans (presque 17) et veut passer le CAP Petite Enfance. Je m’agenouille à ses côtés et veut comprendre son désarroi en cherchant du regard parmi les documents épars. « Je n’y arriverai jamais, il y a trop de sujets… ». « Ah bon ? » Elle me montre : nous feuilletons les sommaires des diverses matières. Nous lisons, en vrac, les grands titres des cours de biologie (pris au hasard des 9 matières de l’examen qu’Olivia a prévu de passer en étudiant par correspondance) : organisation du système nerveux, activité réflexe et activité volontaire ; organisation, croissance et hygiène de l’appareil locomoteur ; pouvoir pathogène des micro-organismes ; fonctionnement d’une synapse… Sujets, certes, passionnants pour les passionnés. Sujets merveilleux quand la question se pose là, quand notre curiosité est réveillée par les événements de la vie… Sujets décourageants lorsqu’ils sont des mots savants alignés sur un document. Sujets agressifs lorsqu’ils faut les assimiler coûte que coûte, et dans un temps limité, pour un examen final…

Je pense à ces millions de parents qui ignorent tout de la ceinture scapulaire ou du fonctionnement des synapses de leur progéniture… Je reste songeuse, réalisant que, malgré cette ignorance, Olivia s’occupe merveilleusement des enfants depuis l’âge de ses 12 ans, quand elle a commencé à garder des bébés. Depuis 2 ans, Olivia exerce la fonction d’assistante Montessori dans une maternelle de 25 enfants, en travaillant par période au rythme d’une salariée, avec détermination. Elle a suivi les 4 modules de la formation Montessori, connaît la communication non violente, et répond de manière à la fois intuitive et construite aux besoins et demandes des jeunes enfants qui lui sont confiés. Quand je réalise les admirables compétences acquises précocement par cette adolescente,  je me demande soudain quel est le bien-fondé d’un examen théorique sur la propriété des constituants alimentaires,  la physiologie détaillée du corps humain ou les structures institutionnelles de défense, protection et contrôle dans les organismes de la petite enfance… Tout cela doit être acquis, de manière purement « scolaire », à l’aide de fiches, de textes, d’exercices, de mémorisation, en vue de l’examen qui contrôlera les « compétences »…

Compétences. Le mot me fait sourire. Compétente, Olivia l’est, assurément. Sans doute bien plus que la plupart des étudiantes diplômées qui arrivent fraîches émoulues  sur le marché du travail de la petite enfance… Mais oui, c’est vrai,  généralement Olivia n’apprend pas dans les livres… Aujourd’hui, elle doit conquérir son laissez-passer.