Aujourd’hui en réunion d’équipe nous avons parlé « autorité » et « pouvoir ».
Nous avons lu un texte de Jean-Pierre LEPRI qui évoque 3 formes d’autorité :
– l’autorité déontique ou hiérarchique : celle de l’armée ou de l’entreprise pyramidale. Elle repose sur la soumission, l’obéissance et la sanction ;
– l’autorité épistémique qui est celle du sachant ;
– l’autorité charismatique basée sur la séduction, l’influence, la fascination, l’identification à une entité.
Mais l’autorité, qui vient du mot « auteur », c’est avant tout l’autorité personnelle, être auteur de soi, auteur de sa vie, agir dans le respect de soi.
Ainsi il n’y a pas d’âge pour investir son autorité, et chez certains jeunes enfants elle est déjà bien solide. Ce qui peut perturber cette construction de sa propre autorité (= de son pouvoir personnel), c’est la soumission à une autorité déontique ou charismatique qui nous ferait croire que ce que nous vivons et ressentons intérieurement n’est pas valable, et qu’il faut s’en remettre à une autorité extérieure. Lorsque ce lien délétère à l’autorité est vécu de manière prolongée, il est destructeur de notre estime personnelle, de notre pouvoir personnel, de notre créativité, de notre sens de l’initiative et de la responsabilité.
Cela ne signifie pas que ces diverses autorités extérieures n’ont jamais de raison d’être :
Chez les pompiers ou sur un bateau par exemple, il est impératif que chacun se soumette inconditionnellement aux ordres du capitaine, pour la sécurité du groupe.
Un chef charismatique a sa place dans une logique sociale organisée autour des croyances (peuples premiers, cosmogonies diverses)
Et nous avons tous recours à l’autorité épistémique lorsque nous allons chez le dentiste ou prendre un cours de piano.
Nous avons également évoqué le fait que les enfants sentent si notre autorité intérieure est installée ou non. Notre autorité est le lieu de l’action juste, centrée, qui sait comment gérer une situation dans le calme, sans violence, sans émotion.
Chaque membre de l’équipe est ainsi invité à explorer cette part de lui, et à intervenir auprès des enfants si nécessaire en cultivant une double attitude :
– centrée sur l’objectif (un enfant court dehors avec un bocal en verre => je perçois le danger et je vais le stopper) ;
– à l’écoute des intentions de l’enfant (il veut collecter des pierres : je reconnais son besoin et l’accompagne pour chercher un autre contenant plus approprié).
Les deux sont nécessaires, quelle que soit la situation, même avec un Léon qui a un couteau en main : « C’est quoi ton intention, Léon, avec ce couteau ? » Réponse : « Moi, j’aime bien les couteaux. » « OK, j’entends que tu aimes bien les couteaux, la place de celui là est dans la cantine donc je vais le prendre et le ranger, et en même temps, si tu veux, je t’accompagne demander à Stéphanie ou Thomas s’ils sont disponibles pour fabriquer un couteau ou une épée à la menuiserie. Tu viens avec moi ? ».
Lorsque la situation est dangereuse pour une personne ou un objet, nous n’hésitons pas à neutraliser l’enfant physiquement. Nous n’attendons pas que la catastrophe soit produite.
Si les enfants n’écoutent rien : il ne faut pas hésiter à les demander en médiation. Soyez puissants, ne restez pas impuissants ! Si les enfants s’habituent à ce qu’il n’y ait aucune conséquence à leurs abus de pouvoir, alors ils pourraient continuer ! De plus, s’ils manifestent des gestes et actions préjudiciables, ils ont sans doute des choses lourdes à déposer, et la médiation est un espace privilégié pour cela.
Nous avons aussi parlé de la confiance. Peut être qu’une part de nous est chamboulée par la confiance : celle dont nous avons manqué, celle que nous aimerions avoir en nous… Mais que nous attendons que les autres nous donnent !
J’ai expliqué comment c’est pour moi avec la confiance dans cette école… Et c’est en lien avec la gouvernance. Car il y a en effet des autorités et responsabilités. Chacun à les siennes, adultes et enfants. Mais faire grandir la confiance entre nous tous, ce n’est pas fonctionner comme des électrons libres en imaginant que les autres nous font confiance. Ce n’est pas fermer les yeux non plus, en signe de confiance. La confiance, ça se jardine, ça se cultive soigneusement. J’ai pris l’exemple du projet récent d’organisation d’une sortie avec les enfants : ce n’est pas que je ne fais pas confiance à quiconque. J’ai juste besoin de considération pour mes rôles, et pour la tension que j’ai face à certaines responsabilités. J’ai donc besoin d’information, de consultation, d’anticipation, afin de pouvoir sentir que les responsabilités que je prends en tant que directrice sont mesurées et sécurisées. J’ai aussi besoin d’honorer la confiance que nous font les parents en nous confiant leurs enfants, et de leur donner les informations bien à l’avance. Ces deux exemples (direction, parents) sont deux relations d’autorité (autorité administrative, autorité parentale) qui font partie du système. Les autorités ne peuvent pas être écartées des questions qui les concernent car elles ont des responsabilités. Et c’est en étant bien informées qu’elles peuvent grandir en confiance.
J’ai des exemples très concrets de personnes qui se sont dédouanées de leurs responsabilités, sans doute en voyant en moi une autorité épistémique et/ou charismatique, et qui, par la suite, m’ont fait l’amer reproche de mes manières de faire avec l’enfant. Pourtant, elles me faisaient confiance… aveuglément ! J’ai moi même fait aveuglément confiance, avec des conséquences très préjudiciables pour moi, les autres et l’école. Donc, non, nous ne devons pas déserter cet espace de présence, de vigilance, d’informations claires, pour que la confiance puisse grandir sur des bases étayées.
Merci à toutes et tous pour votre écoute et votre participation.